: . Stendhal
: Le Rouge et le Noir
: Books on Demand
: 9782322151356
: 1
: CHF 2.00
:
: Erzählende Literatur
: French
: 683
: Wasserzeichen
: PC/MAC/eReader/Tablet
: ePUB
Julien Sorel, jeune homme romantique et ambitieux, vit dans le souvenir de l'époque Napoléonienne, où un simple roturier pouvait s'élever dans la société grâce à une carrière militaire. Dans ces années 1830, il mène sa vie entre séminaire et charge de précepteur, cherchant la reconnaissance et l'affection des femmes. Des ses passions amoureuses naîtront de belles et tragiques histoires. une vision historique de cette période de l'Histoire.

Stendhal, whose real name is Marie-Henri Beyle, born on 23 January 1783 in Grenoble and died on 23 March 1842 in Paris, is a French writer of the first half of the 19th century. He joined the army in 1800 and held mainly military administrative positions, as he did during the Russian campaign in 1812. An art lover and passionate about Italy, where he spent many years, he first wrote aesthetic essays under his real name as L'Histoire de la peinture (early 1817), but it was under the pseudonym"M. de Stendhal, officier de cavalerie" that he published Rome, Naples, Florence in September 1817. This pen name is inspired by a German town called"Stendal", the birthplace of the renowned art historian and archaeologist Johann Joachim Winckelmann at the time, but above all close to where Stendhal lived in 1807-1808 a moment of great passion with Wilhelmine de Grisheim. Having added an H to further Germanize the name, he wanted to pronounce it"Standhal". His training novels Le Rouge et le Noir (1830), La Chartreuse de Parme (1839) and Lucien Leuwen (unfinished) made him, alongside Balzac, Hugo, Flaubert or Zola, one of the great representatives of 19th century French fiction. In his novels, characterized by a thrifty and tightened style, Stendhal searches for"Truth, the harsh truth" in the psychological field, and mainly portrays young people with romantic aspirations for vitality, strength of feeling and dreams of glory.

V


Une négociation


Cunctando restituit rem.

Ennius.

– Réponds-moi sans mentir, si tu le peux, chien delisard ; d’où connais-tu madame de Rênal, quand lui as-tu parlé ?

– Je ne lui ai jamais parlé, répondit Julien, je n’ai jamais vu cette dame qu’à l’église.

– Mais tu l’auras regardée, vilain effronté ?

– Jamais ! Vous savez qu’à l’église je ne vois que Dieu, ajouta Julien, avec un petit air hypocrite, tout propre, selon lui, à éloigner le retour des taloches.

– Il y a pourtant quelque chose là-dessous, répliqua le paysan malin, et il se tut un instant ; mais je ne saurai rien de toi, maudit hypocrite. Au fait, je vais être délivré de toi, et ma scie n’en ira que mieux. Tu as gagné M. le curé ou tout autre, qui t’a procuré une belle place. Va faire ton paquet, et je te mènerai chez M. de Rênal, où tu seras précepteur des enfants.

– Qu’aurai-je pour cela ?

– La nourriture, l’habillement et trois cents francs de gages.

– Je ne veux pas être domestique.

– Animal, qui te parle d’être domestique, est-ce que je voudrais que mon fils fût domestique ?

– Mais, avec qui mangerai-je ?

Cette demande déconcerta le vieux Sorel, il sentit qu’en parlant il pourrait commettre quelque imprudence ; il s’emporta contre Julien, qu’il accabla d’injures, en l’accusant de gourmandise, et le quitta pour aller consulter ses autres fils.

Julien les vit bientôt après, chacun appuyé sur sa hache et tenant conseil. Après les avoir longtemps regardés, Julien, voyant qu’il ne pouvait rien deviner, alla se placer de l’autre côté de la scie, pour éviter d’être surpris. Il voulait penser à cette annonce imprévue qui changeait son sort, mais il se sentit incapable de prudence ; son imagination était tout entière à se figurer ce qu’il verrait dans la belle maison de M. de Rênal.

Il faut renoncer à tout cela, se dit-il, plutôt que de se laisser réduire à manger avec les domestiques. Mon père voudra m’y forcer ; plutôt mourir. J’ai quinze francs huit sous d’économies, je me sauve cette nuit ; en deux jours, par des chemins de traverse où je ne crains nul gendarme, je suis à Besançon ; là, je m’engage comme soldat, et, s’il le faut, je passe en Suisse. Mais alors plus d’avancement, plus d’ambition pour moi, plus de ce bel état de prêtre qui mène à tout.

Cette horreur pour manger avec des domestiques n’était pas naturelle à Julien, il eût fait, pour arriver à la fortune, des choses bien autrement pénibles. Il puisait cette répugnance dans lesConfessions de Rousseau. C’était le seul livre à l’aide duquel son imagination se figurait le monde. Le recueil des bulletins de la grande armée et leMémorial de Sainte-Hélène complétaient son Coran. Il se serait fait tuer pour ces trois ouvrages. Jamais il ne crut en aucun autre. D’après un mot du vieux chirurgien-major, il regardait tous les autres livres du monde comme menteurs, et écrits par des fourbes pour avoir de l’avancement.

Avec une âme de feu, Julien avait une de ces mémoires étonnantes si souvent unies à la sottise. Pour gagner le vieux curé Chélan, duquel il voyait bien que dépendait son sort à venir, il avait appris par cœur tout le Nouveau Testament en latin ; il savait aussi le livredu Pape de M. de Maistre et croyait à l’un aussi peu qu’à l’autre.

Comme par un accord mutuel, Sorel et son fils évitèrent de se parler ce jour-là. Sur la brune, Julien alla prendre sa leçon de théologie chez le curé, mais il ne jugea pas prudent de lui rien dire de l’étrange proposition qu’on avait faite à son père. Peut-être est-ce un piège, se disait-il, il faut faire semblant de l’avoir oublié.

Le lendemain de bonne heure, M. de Rênal fit appeler le vieux Sorel, qui, après s’être fait attendre une heure ou deux, finit par arriver, en faisant dès la porte cent excuses, entremêlées d’autant de révérences. À force de parcourir toutes sortes d’objections, Sorel comprit que son fils mangerait avec le maître et la maîtresse de la maison, et les jours où il y aurait du monde, seul dans une chambre à part avec les enfants. Toujours plus disposé à incidenter à mesure qu’il dist