: Eusébie Boutevillain-Weisrock
: Ernestine Petitpas A la recherche de Missy
: Books on Demand
: 9782322510061
: 1
: CHF 6.40
:
: Hauptwerk vor 1945
: French
: 280
: Wasserzeichen
: PC/MAC/eReader/Tablet
: ePUB
Missy a disparu. Après de nombreuses recherches infructueuses, Nathalie Thérain accepte l'aide proposée par Ernestine Petitpas, brocanteuse de son état. Aidée de son chien Saucisse, elle n'aura de cesse de fouiller l'Ardèche afin de retrouver Missy. Une quête bien étrange qui lèvera le voile sur un passé douloureux.

– Donc si je comprends bien, vous souhaitez voir mes recherches afin de trouver un éventuel lien entre les Garmelin et Madame Petitpas ?

Tasse de thé en main, Karim et Sylviane, mandatés par Didier, approuvèrent du chef.

– Moui. Et c’est Madame Petitpas qui vous envoie ?

– Affirmatif.

– Bon, c’est qu’elle doit avoir confiance en vous. Sans cela, bernique !

– Nous sommes gendarmes…

– Et moi, fonctionnaire des impôts, ce n’est pas pour autant que je gruge l’État ou que je fais confiance au dit État. Comprenez-moi, plus je cherche et plus je me demande ce que je cherche. Les Petitpas sont honnêtes, travailleurs et humains ; aucun des articles que j’ai trouvés ne mentionne de bisbilles entre les Petitpas et qui que ce soit, aucun ne mentionne un client mécontent ou ne relève une affaire louche. Il est vrai que je me contente du département, peut-être, d’ailleurs, devrais-je élargir ma collecte. Cependant, de ce que m’a dit Chouart, sa famille est ici depuis la fin de la Première Guerre, les Saccelli depuis 1893, sans doute suite aux événements d’Aigues-Mortes1, les Rigetti ont fui Mussolini donc disons 1922, pour les Cambolini, c’est la pauvreté de l’Italie du Sud — ce sont des Siciliens nés à Naples —, il sourit de sa blague, donc on est début vingtième ; quant aux Wersberg, ce sont les pogroms contre les Juifs allemands qui les ont amenés en France, donc pareil avant ou après la Première Guerre. Donc moi, je pensais remonter jusqu’aux années 1930. Avant, c’est trop tôt, les Petitpas n’avaient pas encore leur brocante.

Sylviane siffla d’admiration.

– Je n’ai aucun mérite. Mon arrière-grand-mère était férue de généalogie. Elle m’a inculqué la logique de la recherche : faire un plan de travail, savoir d’où l’on part et où l’on veut aller. Dans ce cas précis, on cherche pourquoi Garmelin accuse Madame Petitpas.

– On doit surtout chercher pourquoi elle est la cible.

Pivoine fixa, incrédule, Karim.

– Nous ne pouvons pas dévoiler l’enquête, mais sachez qu’il n’y a jamais eu de meuble volé.

La bouche ouverte, Pivoine regardait alternativement les deux gendarmes.

– Pas de meuble volé ?

– Aucun.

– Seigneur…

– D’où l’idée qu’elle est la cible.

– Je vois, je vois.

Pivoine se leva et se mit à déambuler dans la pièce.

– Pardonnez-moi, mais il faut que je marche.

Il se mit à monologuer.

– Donc le problème n’est pas le meuble, mais Madame Petitpas. Quelqu’un lui en veut personnellement. Donc un concurrent, mais c’est moyen comme idée. Ça touche peut-être à sa vie privée. Bon, parler dans le vide, ça ne sert à rien ! Il me faut un panneau.

Sous les yeux éberlués des deux gendarmes, il partit comme une flèche dans la cave, en revint avec un grand panneau de liège qu’il installa sur une commode dans une pièce inoccupée aux tapisseries défraîchies.

– La maison familiale est grande, mais pas tout occupée. Effectuer des travaux est coûteux, s’excusa-t-il, invitant les gendarmes à le suivre.

Il revint avec des post-its, des stylos de couleur variée, une règle.

– Mon arrière-grand-mère m’a appris qu’il fallait un point de départ. Pour nous, ce sera Madame Petitpas.

Il colla le nom d’Ernestine au centre du panneau.

– Voilà, que savons-nous ?

Au fil des heures, le panneau se couvrit de noms, répartis selon les thèmes : famille, travail, événements douloureux. Dans la catégorie famille, le nom des Chouart fut noté en rouge, car, oui, Pivoine avait fait un code couleur : bleu, rien à signaler ; vert : soutien d’Ernestine ; rouge : ennemi potentiel. Donc les Chouart en rouge du fait de la naissance naturelle de Garin. Côté travail, tout était en bleu. Les noms de concurrents, les finances, rien ne posait souci. Dans les événements douloureux, Sylviane mentionna le suicide de Janie, dont le père fut noté en rouge. Les Saccelli, Rigetti, Wersberg et consorts furent tous en vert et du côté de la famille. Restait les Garmelin.

– Pas de lien avec la famille ni avec le travail et encore moins un événement particulier dans la vie des Petitpas, constata Karim. Pourtant, il y a un loup quelque part.

– De même avec l’avocat, renchérit sa coéquipière.

Ils fixèrent un temps le panneau jusqu’à ce que Pivoine prenne la décision d’ajouter un panneau latéral.

– On va noter toutes les anomalies.

– Bien vu. L’avocat en premier pour moi, commença Karim, collant son post-it.

– Les Garmelin ensuite.

– Le premier est trop sûr de lui et les seconds sont merdiques. Ils ont lancé une accusation qu’ils savaient fausse et l’ont maintenue.

– Donc c’était pour nuire, commenta Pivoine. Et comme nous n’avons aucun lien entre eux et Madame Petitpas, nous pouvons en déduire qu’ils ont agi sur demande.

– La question est qui et pourquoi.

– Je propose qu’on s’en tienne là, fit Karim. Sylviane et moi, nous allons fouiner du côté de l’avocat et Janie.

– Et moi, je concentre mes recherches sur les Garmelin : vie sociale, publicité, etc. D’ailleurs, je peux même me lancer dans leur généalogie. Je remonte jusqu’à quelle date ?

– Restez sur votre idée de départ : les années trente. M’est avis que c’est là que tout a commencé.

Carlos piaffait d’angoisse devant la grille des Garmelin. Ernestine, à peu près remise de ses émotions, avait entrepris de reprendre les recherches sur Missy et il n’y avait qu’un seul endroit où la trouver. Inquiète de l’attitude de Garmelin, prêt à l’accuser des pires maux sans l’avoir rencontrée, elle avait demandé à mama Saccelli de lui prêter Carlos, lequel l’aurait accompagnée quoiqu’il arrive, accord ou pas de la familia. Parce que tout comme Didier et ses coéquipiers, il se posait beaucoup de questions : pourquoi Garmelin accuserait-il une femme qu’il ne connaissait ni d’Ève ni d’Adam ? L’idée d’Abdelkrim lui trottait aussi dans la tête. Toute cette merdasse, selon les propos de Guido, devait bien avoir ses raisons. Il fallait juste trouver lesquelles. Alors quand Ernestine s’était présentée chez les Saccelli et que la question lui avait été posée « j’ai besoin d’un peu d’aide, mais ce n’est pas très légal », il avait accepté dans la minute. Il aurait peut-être dû demander en quoi consistait le « pas légal », cela lui aurait évité des aigreurs d’estomac dont il sentait poindre l’acidité.

– Mais qu’est-ce qu’elle fiche ? grommelait-il inquiet.

– Il attend quoi en fait ? demanda un des dobermans à son voisin.

– Je ne sais pas. Ernestine lui a dit d’attendre là, il attend là.

– C’est bon signe, cette obéissance, je trouve.

– Oui. Il est digne de nous.

– On ne le mordra pas alors ?

– Ah ben non, du coup.

Carlos, lui, ne voyait que deux chiens en position assise le regarder.

– Bon sang, qu’est-ce qu’elle fiche ? On va se faire choper.

Soudain, surgit du fond du jardin Saucisse. Elle arrivait à bride abattue.

– C’est bon, il peut venir.

Ah, ben là, pour faire comprendre à un humain apeuré qu’il peut traverser un jardin gardé par une horde de dobermans pour être accueilli par un rottweiler peu amène et un chihuahua faisant la révérence, ce fut une autre paire de manches. Il fallut que Saucisse sorte afin de le tirer par le bas du pantalon pour que les chiens de garde le voient enfin entrer et se diriger vers la maison en mode crabe.

– Il a une drôle de façon de se déplacer, je trouve.

– À mon avis, il a peur de nous tourner le dos.

– Ah.

À son arrivée dans le hall, il fit face à Roty grognant.

– Roty, laisse, c’est un ami, le calma Ernestine.

– Il a...