II
L'AVEUGLE
«Comment, te voilà encore, Charles? dit Juliette en entendant ouvrir la porte.
Charles:—Comment as-tu deviné que c'était moi?
Juliette:—Par la manière dont tu as ouvert; chacun ouvre différemment, c'est bien facile à reconnaître.
Charles:—Pour toi, qui es aveugle et qui as l'oreille si fine; moi, je ne vois aucune différence; il me semble que la porte fait le même bruit pour tous.
Juliette:—Qu'as-tu donc, pauvre Charles? Encore quelque démêlé avec ta cousine? Je le devine au son de ta voix.
Charles:—Eh! mon Dieu oui! Cette méchante, abominable femme me rend méchant moi-même. C'est vrai, Juliette: avec toi, je suis bon et je n'ai jamais envie de te jouer un tour ou de me fâcher; avec ma cousine, je me sens mauvais et toujours prêt à m'emporter.
Juliette:—C'est parce qu'elle n'est pas bonne, et que toi, tu n'as ni patience ni courage.
Charles:—C'est facile à dire, patience; je voudrais bien t'y voir; toi qui es un ange de douceur et de bonté, tu te mettrais en fureur.»
Juliette sourit.
«J'espère que non, dit-elle.
Charles:—Tu crois ça. Écoute ce qui m'arrive aujourd'hui depuis la première fois que je t'ai quittée; à ma seconde visite, je ne t'ai rien dit parce que j'avais peur que tu ne me fisses rentrer chez moi tout de suite; à présent j'ai le temps, puisque ma cousine dort, et tu vas tout savoir.»
Charles raconta fidèlement ce qui s'était passé entre lui, sa cousine et Betty.
«Comment veux-tu que je supporte ces reproches et ces injustices avec la patience d'un agneau qu'on égorge?
Je ne t'en demande pas tant, dit Juliette en souriant; il y a trop loin de toi à l'agneau; mais, Charles, écoute-moi. Ta cousine n'est pas bonne, je le sais et je l'avoue; mais c'est une raison de plus pour la ménager et chercher à ne pas l'irriter. Pourquoi es-tu inexact, quand tu sais que cinq minutes de retard la mettent en colère?
Charles:—Mais c