L'étonnement du pape fut extrême quand il apprit que le roi se passait de lui dans la poursuite d'un ordre qui ne pouvait être jugé que par le Saint-Siége. La colère lui fit oublier sa servilité ordinaire, sa position précaire et dépendante au milieu des États du roi. Il suspendit les pouvoirs des juges ordinaires, archevêques et évêques, ceux même des inquisiteurs.
La réponse du roi est rude. Il écrit au pape: Que Dieu déteste les tièdes; que ces lenteurs sont une sorte de connivence avec les crimes des accusés; que le pape devrait plutôt exciter les évêques. Ce serait une grave injure aux prélats de leur ôter le ministère qu'ils tiennent de Dieu. Ils n'ont pas mérité cet outrage; ils ne le supporteront pas; le roi ne pourrait le tolérer sans violer son serment... Saint Père, quel est le sacrilége qui osera vous conseiller de mépriser ceux que Jésus-Christ envoie, ou plutôt Jésus lui-même?... Si l'on suspend les inquisiteurs, l'affaire ne finira jamais... Le roi n'a pas pris la chose en main comme accusateur, mais comme champion de la foi et défenseur de l'Église, dont il doit rendre compte à Dieu.»
Philippe laissa croire au pape qu'il allait lui remettre les prisonniers entre les mains; il se chargeait seulement de garder les biens pour les appliquer au service de la Terre sainte ( décembre ). Son but était d'obtenir que le pape rendît aux évêques et aux inquisiteurs leurs pouvoirs qu'il avait suspendus. Il lui envoya soixante-douze Templiers à Poitiers, et fit partir de Paris les principaux de l'ordre; mais il ne les fit pas avancer plus loin que Chinon. Le pape s'en contenta; il obtint les aveux de ceux de Poitiers. En même temps, il leva la suspension des juges ordinaires, se réservant seulement le jugement des chefs de l'ordre.
Cette molle procédure ne pouvait satisfaire le roi. Si la chose eût été traînée ainsi à petit bruit, et pardonnée, comme au confessionnal, il n'y avait pas moyen de garder les biens. Aussi, pendant que le pape s'imaginait tout tenir dans ses mains, le roi faisait instrumenter à Paris par son confesseur, inquisiteur génér