: Luigi Pirandello
: Henri IV
: Books on Demand
: 9782322405824
: 1
: CHF 3.60
:
: Dramatik
: French
: 103
: Wasserzeichen
: PC/MAC/eReader/Tablet
: ePUB
Ce drame en trois actes explore le thème de la folie et se déroule sur une journée. Il met en scène un personnage (jamais nommé) qui se prend pour l'empereur Henri IV du Saint-Empire depuis une chute de cheval survenue vingt ans auparavant. À l'instigation de son neveu le Comte de Nolli, son entourage se prête à sa folie et joue la cour de l'empereur. Lorsque la pièce commence, la soeur du personnage central, mourante, a fait venir un dernier docteur pour tenter de soigner son frère. Le docteur est accompagné de Frida, la fiancée de Nolli, de Matilda, la mère de Frida, ancien amour du personnage central, et de Belcredi, vieil ami du personnage central et amant de Matilda. L'intrigue se développe entre les scènes de cour, où chacun s'efforce de jouer plus ou moins bien son rôle, et les interrogations des personnages «sains d'esprit»...

Luigi Pirandello est un écrivain italien, poète, nouvelliste, romancier et dramaturge, né le 28 juin 1867 à Agrigente en Sicile au lieu-dit « Caos », entre Agrigente et Porto Empedocle, durant une épidémie de choléra, et mort le 10 décembre 1936 à Rome. Son oeuvre a été récompensée du prix Nobel de littérature en 1934.

ACTE PREMIER


Le salon d’une villa aménagé de façon à représenter ce que pouvait être la salle du trône du palais impérial de Goslar, au temps d’Henri IV. Mais, tranchant sur le mobilier ancien, deux tableaux modernes, deux portraits de grandeur naturelle, se détachent sur le mur du fond, placés à peu de hauteur du parquet, au-dessus d’un entablement de bois sculpté qui court le long du mur, large et saillant, de façon à ce qu’on puisse s’y asseoir comme sur une banquette. L’un de ces tableaux est à droite, l’autre à gauche du trône, qui interrompt l’entablement au milieu du mur, pour y insérer le siège impérial sous son baldaquin bas. Les deux tableaux représentent l’un, un homme, l’autre, une femme, jeunes, chacun revêtu d’un travesti de carnaval : l’homme est déguisé en Henri IV, la femme en Mathilde de Toscane. Portes à droite et à gauche.

 

Au lever du rideau, deux hommes d’armes, comme surpris en faute, bondissent de l’entablement où ils étaient étendus et vont s’immobiliser de part et d’autre du trône, avec leurs hallebardes. Peu après, par la seconde porte à droite entrent : Ariald, Landolf, Ordulf et Berthold, jeunes gens payés par le marquis Carlo di Molli pour jouer le rôle de « conseillers secrets », seigneurs appartenant à la petite noblesse et appelés à la cour de Henri IV. Ils revêtent le costume des chevaliers du XIe siècle. Le dernier, Berthold, de son vrai nom Fino, prend son service pour la première fois. Ses trois camarades lui donnent des détails tout en se moquant de lui. La scène sera jouée avec un grand brio.

 

LANDOLF,à Berthold, poursuivant ses explications. – Et maintenant, voilà la salle du trône !

 

ARIALD. – À Goslar !

 

ORDULF. – Ou, si tu préfères, au château du Hartz !

 

ARIALD. – Ou encore, à Worms.

 

LANDOLF. – C’est selon l’épisode que nous représentons… La salle se déplace avec nous.

 

ORDULF. – De Saxe en Lombardie.

 

ARIALD. – Et de Lombardie…

 

LANDOLF. – Sur le Rhin !

 

UN DES HOMMES D’ARMES,sans bouger remuant seulement les lèvres. – Psst ! Psst !

 

ARIALD,se retournant à cet appel. – Qu’est-ce qu’il y a ?

 

PREMIER HOMME D’ARMES,toujours immobile comme une statue, à mi-voix. – Il entre ou non ?

 

Il fait allusion à Henri IV.

 

ORDULF. – Non, non, il dort ; prenez vos aises.

 

DEUXIÈME HOMME D’ARMES,quittant sa position en même temps que le premier et allant de nouveau s’étendre sur l’entablement. – Eh, bon Dieu ! vous auriez pu le dire tout de suite !

 

PREMIER HOMME D’ARMES,s’approchant d’Ariald. – S’il vous plaît, vous n’auriez pas une allumette ?

 

LANDOLF. – Hé là ! pas de pipes ici !

 

PREMIER HOMME D’ARMES,tandis qu’Ariald lui tend une allumette enflammée. – Non, non, je vais fumer une cigarette…

 

Ilallume et va s’étendre à son tour, en fumant, sur l’entablement.

 

BERTHOLD,qui observe la scène d’un air stupéfait et perplexe, promène son regard autour de la salle, puis, examinant son costume et celui de ses camarades. – Mais pardon… cette salle… ces costumes… de quel Henri IV s’agit-il ? Je ne m’y retrouve pas du tout… D’Henri IV de France ou d’un autre ?

 

À cette question, Landolf, Ariald et Ordulf éclatent d’un rire bruyant.

 

LANDOLF,riant toujours et montrant du doigt Berthold à ses camarades, qui continuent à rire, comme pour les inviter à se moquer encore de lui. – Henri IV de France !

 

ORDULF,de même. – Il croyait que c’était celui de France !

 

ARIALD. – C’est d’Henri IV d’Allemagne qu’il s’agit, mon cher… Dynastie des Saliens !

 

ORDULF. – Le grand empereur tragique !

 

LANDOLF. – L’homme de Canossa ! Nous menons ici, jour après jour, la plus impitoyable des guerres, entre l’État et l’Église, comprends-tu ?

 

ORDULF. – L’Empire contre la Papauté ! As-tu compris ?

 

ARIALD. – Les antipa