: Léon Tolstoï
: Guerre et Paix (Edition intégrale: les 3 volumes)
: e-artnow
: 9788026899815
: 1
: CHF 1.60
:
: Essays, Feuilleton, Literaturkritik, Interviews
: French
: 1154
: Wasserzeichen
: PC/MAC/eReader/Tablet
: ePUB
Guerre et Paix est un chef-d'oeuvre de Léon Tolstoï. Dans le roman Léon Tolstoï expose sa vision de l'histoire de la campagne de Russie. Il conteste les théories historiques, la science militaire et le génie de Napoléon. Pour Tolstoï, les véritables explications de la guerre sont inaccessibles à l'entendement humain. Le roman fut à l'époque de sa publication un immense succès, bien que Tolstoï ne s'y attendît pas. La richesse et le réalisme de ses détails ainsi que ses nombreuses descriptions psychologiques font qu'il est souvent considéré comme un roman majeur de l'histoire de la littérature. Guerre et Paix a engendré un nouveau genre de fiction. Bien qu'aujourd'hui considéré comme un roman, cette ?uvre a cassé de si nombreux codes du roman de son époque que de nombreux critiques ne le considérèrent pas comme tel.

XVII

Lorsque Anna Mikhaïlovna et son fils avaient quitté la comtesse Rostow pour faire leur visite, ils l’avaient laissée seule, plongée dans ses réflexions et essuyant de temps en temps ses yeux pleins de larmes. Enfin elle sonna.

«Il me semble, ma bonne, dit-elle en s’adressant d’un ton sévère à la fille de chambre qui avait tardé à répondre à l’appel, que vous ne voulez pas faire votre service; c’est bien! Je vous chercherai une autre place!»

La comtesse avait les nerfs agacés; le chagrin et la pauvreté honteuse de son amie l’avaient mise de fort mauvaise humeur, ce qui se traduisait toujours dans son langage par le «vous» et «ma bonne».

«Pardon, madame, murmura la coupable.

— Priez le comte de passer chez moi.»

Le comte arriva bientôt en se dandinant et s’approcha timidement de sa femme:

«Oh! Ah! Ma petite comtesse, quel sauté de gelinottes au madère nous aurons! Je l’ai goûté, ma chère. Aussi ai-je payé Taraska mille roubles, et il les vaut.»

Il s’assit à côté de sa femme, passa une main dans ses cheveux et posa l’autre sur ses genoux d’un air vainqueur.

«Que désirez-vous, petite comtesse?

— Voilà ce que c’est, mon ami; mais quelle est cette tache? Lui dit-elle en posant le doigt sur son gilet. C’est sans doute le sauté de gelinottes? Ajouta-t-elle en souriant. Voyez-vous, cher comte, il me faut de l’argent.»

La figure du comte s’allongea.

«Ah! Dit-il, chère petite comtesse!»

Et il chercha son portefeuille avec agitation.

«Il m’en faut beaucoup… cinq cents roubles, reprit-elle, en frottant la tache avec son mouchoir de batiste.

— À l’instant, à l’instant! Hé, qui est là? Cria-t-il, avec l’assurance de l’homme qui sait qu’il sera obéi et qu’on s’élancera tête baissée à sa voix. Qu’on m’envoie Mitenka!»

Mitenka était le fils d’un noble et avait été élevé par le comte, qui lui avait confié le soin de toutes ses affaires; il fit son entrée à pas lents et mesurés, et s’arrêta respectueusement devant lui.

«Écoute, mon cher, apporte-moi, – et il hésita, – apporte-moi sept cents roubles, oui, sept cents roubles; mais fais attention de ne pas me donner des papiers sales et déchirés comme l’autre fois. J’en veux de neufs; c’est pour la comtesse.

— Oui, je t’en prie, Mitenka, qu’ils soient propres, dit la comtesse avec un soupir.

— Quand Votre Excellence désire-t-elle les avoir? Car vous