: Anne Borel
: Appelle-moi quand tu seras mort
: ars vivendi
: 9783869133744
: 1
: CHF 8.90
:
: Gegenwartsliteratur (ab 1945)
: French
: 205
: Wasserzeichen
: PC/MAC/eReader/Tablet
: ePUB
Et si les gens qu'on aime ne mouraient pas vraiment. C'est une impulsion qui poussa Anouk, le personnage principal, à faire ce geste absurde: enterrer son père avec son portable, au cas où... Osera-t-elle appeler? Il y a de quoi se poser la question car nul besoin de dire qu'il faut un brin de folie pour songer à appeler quelqu'un qui est enseveli à trois mètres sous terre. Elle osera. Et l'invraisemblable arrivera: une voix à l'autre bout du fil. Est-ce son imagination délirante qui lui joue des tours? Une plaisanterie de mauvais goût d'une personne mal intentionnée? Ou est-ce son père qui lui parle de l'au-delà? Un mystère planera sur la vie après la mort, mais c'est avant tout une cascade de questions sans réponse qui s'imposera à Anouk dans ses dialogues avec ses amies. Et comme si cela ne suffisait pas, voilà que débarque un certain Yvan Barthes. Anouk est d'autant plus troublée que rien n'effraie cet homme, pas même l'amour. C'est un roman plein d'humour et de légèreté qui pourtant traite de sujets graves : la séparation avec les êtres chers, l'amour et le temps qui passe.

Anne Borel est née et a grandi en France. En 1991 après ses études de langues étrangères, elle quitta la France pour s'installer en Allemagne. Elle publia des histoires courtes dans la série des ' Postkarten ' chez ars vivendi et participa à l'anthologie ' Mein Song ' de Steffen Radlmaier ainsi qu'au recueil ' Ein Herz für Franken '. ' Appelle-moi quand tu seras mort ' est son premier roman. Traduit en allemand, il fut d'abord publié en Allemagne et couronné d'un prix littéraire (IHK-Kulturpreis der mittelfränkischen Wirtschaft für Literatur, 2012).

 

Chapitre 11

 

Elle avait le temps. Son déjeuner avec Yvan Barthes était dans deux heures. Anouk fit encore quelques étirements en utilisant le banc du parc comme barre. Elle n’avait pas couru depuis deux semaines. Le ciel bleu et l’air limpide qui sentait bon le printemps l’avaient contrainte à sortir. Elle s’était dit qu’il fallait profiter du beau temps, que courir lui ferait certainement du bien. Les muscles relâchés, elle marcha ensuite dans les allées verdoyantes. Silencieusement elle se parlait, elle leva la tête vers le ciel, et les yeux rivés vers la cime des arbres elle s’adressa à son père. « Où es-tu maintenant papa ? M’entends-tu ? » Elle s’arrêta, ferma les yeux et leva les bras, « peu importe où tu es puisque tu es dans mon cœur. » Les bras ainsi levés en croix, elle réalisa qu’adulte elle n’avait jamais dit je t’aime à son père. Elle aurait pu trouver cela dommage mais bizarrement elle n’en ressentait aucun regret. Son père avait toujours su qu’elle l’aimait. Il n’empêche que cela n’eût pas nui de le lui dire. En vérité, si elle s’était retenue, ce n’était pas à cause de l’évidence qu’elle l’aimait et qui eût rendu cet aveu inutile. Non, c’était à cause de cette pudeur naturelle devant les mots qui la torturait cruellement quand il s’agissait de parler d’amour.

Anouk pensa à la veille. Elle voulait croire à l’explication de Claire et tentait de se convaincre que son inconscient lui faisait entendre des voix. Il fallait oublier cet incident, elle était surmenée, c’est tout. Rien de grave, ça passerait avec le temps. Oui, ça passerait. Sur le chemin du retour elle s’arrêta chez un charcutier et acheta pour trois fois rien des entames de jambon. Arthur adorerait sûrement ça. Anouk préférait habiter encore quelques jours chez Claire. Ça la rassurait et puis elle connaissait son appartement par cœur. À peine arrivée dans le couloir de l’entrée, Arthur était déjà là à l’attendre, comme s’il avait deviné que ce jour-là il s’en mettrait plein les babines. Elle alla tout droit dans la cuisine lui préparer son festin de chair tendre et salée. Quand elle posa le tout par terre, il fit d’abord la fine bouche, vérifia du bout de son nez que ce n’était pas de la mort aux rats et quand il eut fini de jouer les chats à chichi, il mordit à pleines dents et se mit tout aussitôt à ronronner. Anouk ne s’était pas trompée. Arthur adorait le jambon. Comme à chaque fois la mastication polyphone et jouissive du chat la fascinait. Elle le contempla encore quelques instants puis fila dans la salle de bain prendre une douche. Elle passa plus de temps qu’à l’accoutumée à se préparer. Des jupes longues, des courtes, mais aussi des pantalons étaient étendus en désordre sur le lit. Après maints essayages, son choix tomba finalement sur une jupe qui allait juste au-dessous du genou. Pas trop longue, pas trop courte, juste ce qu’il fallait. Pour la coiffure elle n’