: . Comtesse de Ségur
: La fortune de Gaspard
: Books on Demand
: 9782322257775
: 1
: CHF 2.40
:
: Kinderbücher bis 11 Jahre
: French
: 253
: Wasserzeichen
: PC/MAC/eReader/Tablet
: ePUB
"Faut-il devenir rouge comme un radis en travaillant la terre, ou blanc comme un navet en piochant dans les livres ?" Lucas, fils de fermier, préfère la première formule, mais Gaspard, son frère aîné, a, dès son plus jeune âge, choisi la seconde. Son rêve est d'imiter M. Féréor, un industriel devenu immensément riche grâce à son travail. Si Gaspard parvient à son but, ce ne sera pas sans peine ... Écueils et réussites se multiplient au long de ces pages débordantes de vie et d'imprévu. Des personnages curieux et amusants se rencontrent à chaque pas, et la plume alerte de la comtesse de Ségur nous entraîne joyeusement à sa suite sur la route accidentée où elle mène Gaspard vers la Fortune.

Après une enfance dans son domaine de Voronovo, Sophie Rostopchine, fille du comte Rostopchine, ministre du Tsar Paul 1er et gouverneur de Moscou, se voit dans l'obligation de fuir la Russie en 1817, et se rend avec sa famille en France. En 1819, elle épouse le comte de Ségur et c'est pendant son voyage de noces qu'elle remarquera un château,'Les Nouettes', du côté d'Aube, dans l'Orne, entouré de bouleaux qui lui rappellent le parc de son enfance. Ils auront huit enfants mais c'est véritablement pour ses petits-enfants que la comtesse va commencer à écrire, notamment quand Camille et Madeleine, héroïnes des'Petites filles modèles', partent à Londres où leur père est muté. Elle est aujourd'hui l'auteur de vingt romans connus de tous, où le bien triomphe toujours du mal, mais où le plaisir ressenti à leur lecture prouve que ses histoires traversent les générations.

II


Le travail des champs


À deux heures, la cloche sonna pour reprendre l’école ; les enfants cessèrent leurs jeux et coururent se placer près de la porte ; quand le maître ouvrit, la tête de l’école se mit à entrer en bon ordre, deux par deux ; chacun alla prendre sa place. La queue se bousculait, se poussait : c’était Lucas qui causait ce désordre par son empressement à rentrer en classe. Il en avait poussé un second, lequel poussait un troisième. Un coup de coude amena un coup d’épaule, qui fut payé d’un coup de pied. La moitié n’était pas entrée, qu’on criait et qu’on se battait à la queue.

Le maître d’école avait fait deschut et dessilence sans pouvoir se faire obéir ; il eut alors recours à son argument accoutumé, la gaule ; elle retomba vivement et fortement sur le groupe en désordre ; Lucas en reçut plus que les autres, car il se faisait remarquer par des cris et des mouvements plus prononcés ; au lieu de reculer il avançait toujours, si bien qu’il se trouva seul en avant, seul en vue et seul en face du maître d’école irrité.

Le maître d’école


Mauvais gamin ! La gaule ne te suffit pas ! Il te faut mieux que ça ! Voilà, mon garçon, tu vas être servi à souhait.

Pan ! pan ! v’lan et v’lan ! Lucas reçut en une minute plus de coups qu’il n’en pouvait compter ; il eut les cheveux et les oreilles tirés et il arriva sur son banc par l’effet d’un coup de pied qui le lança comme une balle.

La surprise le rendit muet ; il était resté la bouche ouverte et les yeux écarquillés, quand ses camarades le rejoignirent, les uns riant de sa mésaventure, les autres se frottant les membres, froissés par la gaule.

Le calme était rétabli, le maître d’école se retrouvait sur son estrade ; chacun ouvrait son livre et tirait ses cahiers ; la distribution du travail fut promptement faite ; les petits retournèrent à leur tableau ; la leçon se passa à merveille. Lucas, encore troublé de tout ce qu’il avait reçu, fut docile, sérieux et appliqué ; aussi eut-il des compliments, en place des coups du matin. Quand il sortit de l’école avec son frère, Henri les suivit.

« Je vais faire route avec vous, dit-il, puisque nous demeurons dans le même hameau.

Lucas


Oui, viens avec nous, Henri, nous cueillerons des merises tout en marchant.

Henri


Pas moi ; j’aime mieux cueillir des fleurs de millepertuis ; c’est la saison.

Lucas


Pour quoi faire ? Ce n’est pas très joli.

Henri


Si fait ! Je trouve très jolies ces grappes de petites fleurs jaunes. Mais ce n’est pas pour cela que je les cueille, c’est pour les mettre dans de l’huile.

Lucas


Pour quoi faire, dans l’huile ? C’est la gaspiller.

Henri


Pour ça non, ça ne la perd pas ; quand les fleurs ont bien trempé au soleil pendant un mois, l’huile devient toute rouge ; on en met sur des coupures, des brûlures, des plaies, et ça guérit tout de suite.

Gaspard


Tiens, comment sais-tu ça, toi ?

Henri


Je l’ai lu dans un journal que m’a prêté le maître d’école.

Gaspard


Comment s’appelle-t-il, ce journal ?

Henri


LaRevue de la Presse. Il est amusant tout plein ; il y a un tas d’histoires, et puis des remèdes comme cette huile de millepertuis.

Gaspard


Je demanderai au maître d’école qu’il me le prête.

Lucas


Ce sera amusant ! Si tu vas te mettre à lire maintenant en dehors de l’école, je serai seul pour travailler et m’amuser.

Gaspard


Tu n’as qu’à lire aussi ; tu ne t’ennuieras pas alors.

Lucas


Si fait, je m’ennuierai, c’est assommant, de lire ; j’aime bien mieux faner ou bêcher le jardin, ou clore les brèches, ou garder les vaches. Et toi, si tu passes ton temps à lire, mon père te frottera les oreilles, tu verras ça.

Gaspard


Non, parce que mon père sait que je veux devenir savant pour faire mon chemin.

Lucas


Quel chemin vas-tu faire ?

Gaspard


Je te l’ai déjà dit, je veux faire comme le petit maigre, M. Féréor, qui était garçon cloutier, et qui a des millions, et des usines partout, et des terres partout, et des châteaux, et qui commande à des milliers d’ouvriers, et qui est