: La Comtesse de Ségur
: Les malheurs de Sophie
: Books on Demand
: 9782322208067
: 1
: CHF 3.30
:
: Jugendbücher ab 12 Jahre
: French
: 133
: DRM
: PC/MAC/eReader/Tablet
: ePUB
Ce court roman est un classique de la littérature enfantine. Sophie est une petite fille qui vit dans un château en compagnie de sa mère et de divers domestiques. Elle a parfois la visite de son cousin Paul ou, plus rarement, de deux amies, Camille et Madeleine. Elle s'occupe comme elle peut, mais tout ce qu'elle entreprend tourne mal, et débouche sur un sermon de sa mère. Les 22 chapitres du roman content 22 expériences malheureuses de Sophie, à qui personne n'explique rien, et qui découvre le monde à sa manière et à ses dépens.

La Comtesse de Ségur, Sophie Rostopchine est une femme de lettre française d'origine russe, arrivée en France à dix-sept ans. Elle fut mère de huit enfants et grand-mère avant de se mettre à écrire pour eux ce qui deviendra les Nouveaux contes de fées. Suivent alors de nombreux romans qui mêlent une inspiration biographique selon l'adage « n'écris que ce que tu as vu » et leçons de vie ou leçon morale. Entrée en religion sous le nom de soeur Marie-Françoise, la Comtesse continue à écrire jusqu'à sa mort.

IV - Les petits poissons


Les petits poissons

Sophie était étourdie ; elle faisait souvent sans y penser de mauvaises choses.

Voici ce qui lui arriva un jour :

Sa maman avait des petits poissons pas plus longs qu’une épingle et pas plus gros qu’un tuyau de plume de pigeon. Mme de Réan aimait beaucoup ses petits poissons, qui vivaient dans une cuvette pleine d’eau au fond de laquelle il y avait du sable pour qu’ils pussent s’y enfoncer et s’y cacher. Tous les matins Mme de Réan portait du pain à ses petits poissons ; Sophie s’amusait à les regarder pendant qu’ils se jetaient sur les miettes de pain et qu’ils se disputaient pour les avoir.

Un jour son papa lui donna un joli petit couteau en écaille ; Sophie, enchantée de son couteau, s’en servait pour couper son pain, ses pommes, des biscuits, des fleurs, etc.

Un matin, Sophie jouait ; sa bonne lui avait donné du pain, qu’elle avait coupé en petits morceaux, des amandes, qu’elle coupait en tranches, et des feuilles de salade ; elle demanda à sa bonne de l’huile et du vinaigre pour faire la salade.

« Non, répondit la bonne ; je veux bien vous donner du sel, mais pas d’huile ni de vinaigre, qui pourraient tacher votre robe. »

Sophie prit le sel, en mit sur sa salade ; il lui en restait beaucoup.

« Si j’avais quelque chose à saler ? se dit-elle. Je ne veux pas saler du pain ; il me faudrait de la viande ou du poisson… Oh ! la bonne idée ! Je vais saler les petits poissons de maman ; j’en couperai quelques-uns en tranches avec mon couteau, je salerai les autres tout entiers ; que ce sera amusant ! Quel joli plat cela fera ! »

Et voilà Sophie qui ne réfléchit pas que sa maman n’aura plus les jolis petits poissons qu’elle aimait tant, que ces pauvres petits souffriront beaucoup d’être salés vivants ou d’être coupés en tranches. Sophie court dans le salon où étaient les petits poissons ; elle s’approche de la cuvette, les pêche tous, les met dans une assiette de son ménage, retourne à sa petite table, prend quelques-uns de ces pauvres petits poissons, et les étend sur un plat. Mais les poissons, qui ne se sentaient pas à l’aise hors de l’eau, remuaient et sautaient tant qu’ils pouvaient. Pour les faire tenir tranquilles Sophie leur verse du sel sur le dos, sur la tête, sur la queue. En effet, ils restent immobiles : les pauvres petits étaient morts. Quand son assiette fut pleine, elle en prit d’autres et se mit à les couper en tranches. Au premier coup de couteau les malheureux poissons se tordaient en désespérés ; mais ils devenaient bientôt immobiles, parce qu’ils mouraient. Après le second poisson, Sophie s’aperçut qu’elle les tuait en les coupant en morceaux ; elle regarda avec inquiétude les poissons salés ; ne les voyant pas remuer, elle les examina attentivement et vit qu’ils étaient tous morts. Sophie devint rouge comme une cerise.

« Que va dire maman ? se dit-elle. Que vais-je devenir, moi, pauvre malheureuse ! Comment faire pour cacher cela ? »

Elle réfléchit un moment. Son visage s’éclaircit ; elle avait trouvé un moyen excellent pour que sa maman ne s’aperçût de rien.

Elle ramassa bien vite tous les poissons salés et coupés, les remit dans une petite assiette, sortit doucement de sa chambre, et les reporta dans leur cuvette.

« Maman croira, dit-elle, qu’ils se sont battus, qu’ils se sont tous entre-déchirés et tués. Je vais essuyer mes assiettes, mon couteau, et ôter mon sel ; ma bonne n’a pas, heureusement, remarqué que j’avais été chercher les poissons ; elle est occupée de son ouvrage et ne pense pas à moi. » Sophie rentra sans bruit dans sa chambre, se remit à sa petite table et continua de jouer avec